Bernard Buffet, autrement

Du 6 juillet 2024
au 28 septembre 2024

À partir du 6 juillet prochain, la galerie Alexis Pentcheff, située à Marseille, consacrera une expostion-vente au peintre Bernard Buffet (1928-1999). 
“Bernard Buffet autrement”, ainsi s’intitulera cette manifestation, orchestrée par Nicolas Buffet, fils de l’artiste, qui, à travers sa sélection, aura souhaité porter sur l’oeuvre de son père un regard inédit, dicté non seulement par son admiration pour le travail du peintre (auprès de qui il fut admis dans le secret de l’atelier) mais également par sa propre vision d’artiste accompli, à la fois libre et exigeante. Une vingtaine de pièces seront ainsi exposées à la galerie jusqu’à la fin du mois de septembre.

Artiste majeur du XXème siècle, Bernard Buffet figure parmi les principaux représentants de la peinture figurative française. Jeune peintre encensé par la critique, une longue traversée du désert a suivi la consécration : Buffet a pendant longtemps été banni des institutions de son pays natal, grand absent de la programmation culturelle, tandis qu’au Japon, un musée, inauguré dans les années 1970, lui était spécialement dédié, sur l’initiative d’un collectionneur et mécène inconditionnel de son oeuvre.

Il faut dire que les collectionneurs, français et étrangers, se sont toujours passionnés pour le travail de Buffet, happés par la puissance de son expression formelle.
En marge de l’establishment artistique, l’oeuvre s’est aussi abondamment essaimée par les moyens de diffusion modernes, touchant toutes les couches de la société, imprégnant durablement la mémoire collective. Depuis quelques années, une relecture de son oeuvre est en marche. Buffet retrouve le chemin des institutions et à la faveur d’expositions récentes, on le présente plutôt sous un jour favorable, parmi ceux qui ont ouvert la voie aux artistes contemporains. Pour certains, il fait même figure de punk, considéré comme davantage subversif et provocateur dans sa poursuite du geste figuratif que ne le sont les plus revendicatifs des agitateurs artistiques. 
Serait-ce finalement l’un des « chaînons manquants » de l’art du XXème siècle français, de ceux que l’histoire de l’art reconnait et consacre parfois rétrospectivement?

Montrer Bernard Buffet « autrement », dans notre lieu, telle est la gageure. Nous avons laissé carte blanche et accordé toute notre confiance à Nicolas Buffet, fils de l’artiste, pour investir le Pavillon de la Reine Jeanne, y raconter une histoire qui lui tiendrait à coeur parmi toutes celles que lui dictaient ses souvenirs, sa proximité avec le peintre.
Le regard à la fois admiratif et tendre de Nicolas sur l’oeuvre de son père se double d’une vision artistique libre et exigeante, propre au musicien confirmé qu’il est devenu. Particulièrement sensible à la position maritime de la galerie, il a choisi de faire résonner dans la calanque les voix méditerranéennes qui auront inspiré Buffet, depuis leurs plus archaïques échos.
En contrepoint, il prend le parti, espiègle, de dévoiler une autre facette du travail de l’artiste : en associant sur les murs de grands nus féminins à des primates ahuris, il jette une bombe en se bouchant les oreilles, attendant de voir quels remous dans la mer elle provoquera...

Le pinceau de Buffet nous révèle un langage singulier. Qu’il nous attire ou nous rebute, qu’il nous écrase ou nous transporte, il parle à notre for intérieur avec une force primitive.
L’extrême construction formelle, qui est la marque de cette peinture, habille la puissance instinctive de cette voix, qui égale largement celle de l’abstraction dont elle s’écarte et se défend.
Il y a là cette grande forêt de traits, noirs comme des troncs, qui fait comme un rideau de théâtre. Qui donne à voir la misère, l’horreur, mais camoufle la tendresse et l’humour sous-jacents, qui subsistent dans la vie et dans la peinture, dans la conscience de notre pauvre condition.
C’est cette tension, souterraine, profonde, animale, qui nous prend dans les tableaux de Buffet, la contraction de l’existence dans un spasme inutile.

Telle est la nature de l’oeuvre que Buffet nous laisse, qui puise à la tradition figurative les ressorts de sa puissance détonante. Mais ce qui en fait tout le sel, c’est cette brèche, invisible mais profonde, comme une faille sous-marine, tragiquement enfouie sous la croûte picturale, juste là, à l'endroit où l’enfant désenchanté, inconsolable, s’est réfugié.

Consulter le catalogue de l'exposition en suivant le lien : https://online.fliphtml5.com/xomwq/jzeq/#p=1